Le travail de la nacre relevait de la compétence non du coutelier ciselier, mais du tabletier. Si la tableterie fut très développée à Paris jusqu’au XVIIIe siècle, cette activité devint par la suite la spécialité d’une petite localité de l’Oise, Méru. La tradition veut que les premiers contacts avec les artisans parisiens aient été le fait de nombre de femmes de la localité qui furent nourrices dans des familles attachées à cette corpo- ration. Le fait est que, durant tout le XIXe siècle, les plus belles branches de ciseaux étaient fabriquées à Méru et dans ses environs, Andeville, Lardières, Corbeil-Cerf. Ces travaux de grande qualité ont été exportés dans le monde entier.
Ces ciseaux à branches de nacre, dont vous voyez ici les deux faces,
représentent un grognard, soldat du premier Empire, dont le bras est en écharpe,
l’autre personnage étant un sapeur du génie avec sa hache.
Remarquez que le recto et le verso sont aussi finement ciselés l’un que l’autre,
dans un morceau de nacre suffisamment grand pour que anneau et personnage
aient pu être sculptés d’une seule pièce.
Admirez le merveilleux travail réalisé sur
les plumes de ces deux griffons ainsi que la dentelle de nacre sur le bord extérieur des anneaux. Pour réaliser de tels chef-d’œuvre, le tabletier est parti d’un dessin grandeur nature
sur lequel les parties à ajourer ont été marquées
à l’encre rouge. Chaque trou a ensuite été fait
au moyen d’un perçoir pour permettre le passage
de la mince scie à découper. La gravure, quant à elle, s’effectuait à l’aide de petites échoppes rondes,
d’onglettes et de petites gouges.
Défaut de la matière, ou geste malencontreux, il pouvait arriver que,le travail presque achevé,
un accident survienne, de nombreuses heures de labeur étaient alors perdues...
Les corporations furent abolies sous la Révolution française. Avant cette époque, la répartition des travaux était extrêmement règlementée.
Ainsi, les tabletiers avaient-ilsle droit de travailler tous les matériaux nobles que sont la baleine, l’écaille, l’ivoire,
les os, la corne, les bois « d’ébène, violette, garnadille, palissandre, buis, et autres bois exquis
qui se tirent des Indes », ainsi que la nacre et l’ambre. Très développée à Paris jusqu’au XVIIe siècle,
la tabletterie devint par la suite la spécialité de Méru, dans l’Oise . Ici, une gracieuse paire de ciseaux représentant des chimères adossées.