Les ciseaux pour la broderie et la couture

Dans l’édition de 1926 du Larousse Ménager illustré, voici la définition d’une paire de ciseaux : « instrument composé de deux branches tranchantes réunies par un axe. Ces deux lames, placées en X, se rapprochent et s’écartent tour à tour pour couper l’objet qu’on glisse entre elles. » Voilà qui a le mérite de la clarté. Toutefois, cette définition s’applique aux paires de ciseaux telles que nous les connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire pourvues d’anneaux au bout de leurs branches. Leur usage sous cette forme commença à se répandre à partir du XIIIe siècle. Auparavant, on utilisait plutôt des forces, ou forcettes.
Voir l’article consacré à l’histoire des ciseaux à broder dans Les Carnets de Madame Sajou.

Quelle que soit sa taille, une paire de ciseaux est constituée de cinq parties : les pointes, les lames proprement dites, l’écusson sur lequel est placé l’axe (la vis), les branches qui se trouvent entre l’écusson et la dernière partie que sont les anneaux. On distingue encore l’entablure, la partie évidée qui sert à empêcher que les deux branches passent l’une sur l’autre en se fermant. Parfois, l’entablure d’une paire de ciseaux est aussi appelée talon.
Sur les ciseaux professionnels, notamment les grosses paires de ciseaux de tailleur, on peut aussi trouver un mentonnet, petite barrette d’acier située sur un des anneaux, qui fait office de talon d’arrêt. Toujours sur les paires de ciseaux professionnelles, et notamment les lourds ciseaux de chapelier, ou les ciseaux coupe-cuir, la vis, ou pivot, peut comporter une tête surdimensionnée, ce que l’on appelle le contre-écrou, de manière que, lorsque la paire de ciseaux est posée sur la table, elle reste en biais et se trouve dans la bonne position pour être prise en main.
Enfin, sur les ciseaux de coiffeurs, on trouve une petite tige de métal à l’extrémité d’un des anneaux : elle sert à y poser le petit doigt, afin qu’il ne reste pas en l’air pendant des heures.

Les ciseaux pas chers sont généralement des fabrications réalisées dans des métaux de piètre qualité, qui sont seulement emboutis avec peu ou pas de polissage, aucun travail sur le tranchant. Actuellement, le Pakistan, s’est fait une spécialité de ces ciseaux pas chers. S’ils peuvent faire illusion au premier coup d’œil, une inspection plus détaillée laisse vite apparaître des motifs grossiers, aucune finesse des lames et une coupe qui peut être bonne au début mais qui se dégrade très rapidement. Souvent, la vis et une fausse vis et des méthodes de vieillissement artificielles (trempage dans l’acide notamment) peuvent tromper.

Une paire de ciseaux de qualité est fabriquée à partir d’une ébauche en acier. L’acier contient un pourcentage de carbone, qui est à la fois malléable et résistant. Cette ébauche s’obtient par estampage à l’aide d’une matrice. Une barre d’acier est chauffée à 840 °C puis placée dans la matrice et pressée. On enlève ensuite les bavures puis l’intérieur des anneaux.
S’en suivront de nombreuses étapes de fabrication, manuelles ou mécaniques, nécessitant l’intervention de plusieurs personnes qualifiées : meulage de l’ébauche, perçage, taraudage, marques d’appairage, traitement thermique. L’intérieur des lames doit être meulé afin d’obtenir un angle de coupe précis : c’est ce qui donne l’impression que les lames ne sont pas droites lorsqu’on actionne une paire de ciseaux en la regardant de profil. C’est ce que l’on appelle l’envoilure.
Une paire de ciseaux de qualité est en acier trempé, opération qui permet de durcir l’acier : celui-ci est chauffé puis trempé dans du liquide. S’en suit l’émoulage, qui est l’opération consistant à donner le tranchant aux lames. Un dernier redressage des branches et, enfin, elles peuvent être assemblées puis nickelées et polies. Le polissage d’une paire de ciseaux est un vrai savoir-faire : l’intérieur des anneaux ne se polit pas de la même manière que les branches.
Viennent ensuite toutes les opérations de vérification, de nettoyage et d’emballage.

Un des signes qui permet de repérer une paire de ciseaux de qualité sont les marques d’appairages. Elles figurent sur l’entablure, c’est-à-dire la partie visible quand on ouvre la paire de ciseaux. On ne les voit pas lorsque la paire de ciseaux est fermée. Ces marques sont le signe que les deux branches ont été ajustées pour faire la paire : lors du montage, on prendra donc les deux branches ayant la même marque.
Autrefois, les marques d’appairage se faisaient avec de petits poinçons, ou de simples coups de lime. Les techniques ont évolué et ces marques sont désormais faites au laser.
Sur les paires de ciseaux anciennes, les marques d’appairage, ainsi que le nom ou le symbole du coutelier sont un bon moyen pour déterminer ou non si une paire de ciseaux est de qualité.
Toutes nos paires de ciseaux faisant partie de notre Collection Privée, ciseaux d’exception, comportent des marques d’appairage.

Certaines des paires de ciseaux que nous proposons parmi les rééditions de ciseaux anciens les moins onéreuses n’en comportent pas. Les techniques actuelles de fabrication des ciseaux, notamment la mécanisation, ont beaucoup gagné en précision, elles ne s’avèrent donc plus toujours nécessaires et évitent une étape permettant de réduire les coûts de production.

Si nous nous efforçons de vous proposer une gamme de paires de ciseaux la plus large possible, des ciseaux de petite taille, aux ciseaux de broderie dessinés et conçus spécialement pour la Maison Sajou, en passant par les ciseaux pliants, les rééditions de modèles anciens et les ciseaux lingères, de couturières et les ciseaux professionnels, la diversité des ciseaux actuellement fabriqués n’a plus rien à voir avec celle qu’on trouvait autrefois. En effet, les catalogues anciens des couteliers/ciselliers regorgent de noms et de modèles qui font rêver.
Pour le grand public, le catalogue du début du XXe siècle du grand magasin Le Bon Marché proposait des dizaines de paires dans de nombreuses tailles : petits modèles de broderie, ciseaux modèles courants, ciseaux de couturières, ciseaux lingères, ciseaux à boutonnière, ciseaux à bouts ronds, ciseaux de tailleur, ciseaux de coupeurs, ciseaux à bout rond, sans compter les multiples étuis de rangement.
Quant au catalogue de la Manufacture de Saint-Étienne, la plupart des modèles de ciseaux sont proposés en trois ou quatre tailles. Les fabrications faites à Thiers sont bien distinctes de celles de Nogent. On y trouve tous les modèles déjà cités ci-dessus ainsi que des ciseaux d’atelier de couture, des ciseaux de coupeur dit de forme américaine, des ciseaux à boutonnière à lame échancrée ainsi qu’une amusante gamme dite d’exportation comprenant ciseaux coupe-tout, ciseaux de confectionneur, ou encore ciseaux de coiffeurs eux aussi dits américains…
Quant à Camille Paget, auteur d’une monumentale somme sur les couteliers et ciselliers parue en 1898, il cite sur plusieurs pages : les ciseaux de couturière modèles bancal, à l’anglaise, à la Berge ou encore à la sénéchal. Les ciseaux à ongles droits ou courbes, qui peuvent être renforcés et qui sont alors dits magots ou crapauds. Les ciseaux de coiffeurs, qui étaient alors bouts ronds. Les ciseaux de brossiers, à fortes et larges branches, pour égaliser les brosses. Les ciseaux de papetiers et de cartonniers, à longues lames à bout rond. Les paires de ciseaux de gantiers ou de corroyeurs, pointus et très forts. Les ciseaux à raisins, les ciseaux à tondre, les ciseaux pour couper les crins à lames courbes, les ciseaux à lampes (remplaçant les mouchettes à chandelles). Son inventaire comprend aussi les ciseaux pliants, dont le célèbre modèle dit à la capucine, sans entablure, la pointe des lames s’enclenche dans les anneaux. Tous les ciseaux pour la toilette, moustache, barbes et poils de nez.